Course en montagne et trail : le vertige de la foulée sauvage

Un matin d’août, les montagnes jouent à cache-cache derrière la brume. Les lacets du sentier avalent des baskets neuves. À côté, un coureur murmure : « Je croyais que c’était de la randonnée sportive. Je me suis trompé de filière ». La confusion est fréquente. La course en montagne, le trail, tout ce vocabulaire vert, sportif et plein de dénivelés qui s’invite parfois dans les apéros citadins comme un caillou dans la chaussure. Décortiquons donc ces disciplines où courir rime avec gravir, glisser ou souffler.

Qui court où et pourquoi ?

À première vue, on pourrait croire que courir en forêt sur des chemins cabossés ou escalader des pentes abruptes relève du même mouvement. Pourtant, entre un traceur de trail long format et un amoureux du podium de course en montagne, il y a souvent quelques différences notables, cachées dans la semelle ou plantées au sommet d’un pic suisse.

La course en montagne, c’est l’art de domestiquer les pentes courtes mais intenses. Un terrain balisé, pas de passage technique digne d’une via ferrata ni de boussole. L’idée : allier vitesse et altitude, affoler son cardio sur 500 mètres minimum de dénivelé positif et oublier les pauses contemplation. Là, le coureur vise sa montre autant que le sommet, traquant chaque mètre grimpé pour rejoindre la ligne d’arrivée en moins d’une heure vingt. C’est compact, énergique, géré comme une épreuve de sprint vertical.

Qui pratique la course en montagne ?

Derrière la ligne de départ, on croise surtout des profils venus tester leur vitesse sur le flanc d’une colline ou d’une montagne modérée. Les compétitions sont encadrées, le ravitaillement surveillé et le parcours choisi pour offrir du relief, mais pas trop de surprises techniques. Il s’agit d’une course pédestre épicée, loin des marathons urbains mais proche de la performance pure.

Dans cette discipline, les organisateurs choisissent délibérément des terrains stabilisés, réservant la créativité aux bosses et aux descentes contrôlées. Pas question d’improviser : chaque virage compte, chaque montée aiguise l’esprit de compétition.

Forêt provençale

Pourquoi le trail fascine-t-il autant ?

À côté, le trail joue la carte du grand large. Chemins tortueux, traversées forestières, sentiers de crête ou pistes d’altitude : rien n’arrête le traileur moderne. On parle volontiers d’aventure plutôt que de chrono. Les distances s’allongent, dépassant souvent la dizaine de kilomètres, flirtant avec l’extrême lors des ultra-trails. Ici, place à la gestion de soi, à l’autonomie et parfois au coup de mou métaphysique devant un paysage sublime après douze heures de course.

Le succès mondial du trail ne surprend plus personne : plus de six millions d’adeptes aux États-Unis, selon certaines sources, et des dizaines de milliers de courses enregistrées chaque année par les fédérations spécialisées. Les médias raffolent de ces aventures nature où chacun se rêve ambassadeur du sentier, même si cela signifie courir sous la pluie ou plonger dans une boue mythique.

La course en montagne : rapide, structurée, sur terrain stabilisé, Le trail : résistant, aventureux, sur tous types de sols naturels, L’ultra-trail : l’épopée, parfois interminable, de la foulée libre

Des origines improbables à la vague contemporaine

Si demander à Google l’histoire de la course en montagne donne l’impression de préparer un QCM, la réalité ressemble plus à une légende locale. La première compétition connue aurait été lancée par un roi soucieux de rapidité postale – histoire aussi fiable qu’un selfie sans filtre, mais sympathique. En Europe, l’engouement éclot autour du XXe siècle : Suisse, Italie, Autriche voient fleurir trophées et rendez-vous alpins.

Côté trail, le terme fait florès depuis l’anglicisme venu de “trail running”, réduit, adapté, assimilé. Depuis dix ans, la planète entière semble vouloir trotter hors bitume. Chaque région, chaque pays inscrit sa touche : le Japon, les Rocheuses américaines, les collines anglaises, jusqu’aux forêts bretonnes (pluie comprise).

Comment se structure la compétition aujourd’hui ?

Les deux disciplines vivent côte à côte leurs propres circuits fédéraux, championnats, trophées, avec parfois des frontières poreuses. Le trail apprécie l’anarchie douce des règles et le plaisir de la liberté kilométrique. On peut varier du marathon montagneux à des distances totalement extravagantes. De son côté, la course en montagne maintient ses exigences académiques :

  • Au moins 500 m de dénivelé positif
  • Un écart d’altitude réglementé
  • Chrono serré, rarement plus d’1h15 pour les meilleurs

D’ailleurs, certains records frisent encore le folklore : tentatives chronométrées de sommets, courses sauvages improvisées pour battre la montre, palmarès affichés fièrement par ceux qui accumulent les victoires… ou les entorses.

Anatomie d’un engouement qui grimpe

Finalement, là où la route effraie par sa monotonie, la montagne séduit par sa promesse d’évasion. On ne court plus seulement contre la montre, mais contre soi-même, contre l’usure du quotidien. Même les chaussures s’en ressentent : elles sortent renforcées, prêtes à mordre la rocaille ou rebondir sur les sapins couchés par le vent.

Et soudain, au détour d’un virage, quelqu’un demande : « Tu préfères monter vite ou te perdre longtemps ? » La réponse change selon le souffle restant. Dans ce milieu, courir droit n’a jamais eu autant de personnalités multiples. Et personne n’a encore tranché le débat de la meilleure excuse pour finir dernier : le panorama ou la côte à 15 %.